LE MAROC ET LA TRADITION DE LA FANTASIA

Cavalier marocain en tenue traditionnelle montant un cheval Barbe richement harnaché, dans le désert lors d'une fantasia.

Fantasia marocaine – cavalier et cheval Barbe au galop, prêts à tirer la salve rituelle.

Source : https://chevauxdumonde.com/fr/article/le-maroc-et-la-tradition-de-la-fantasia

Au Maroc, le cheval n’est pas un simple compagnon : il est un symbole vivant d’honneur, de bravoure et de fierté tribale. Parmi les traditions les plus spectaculaires liées à cet animal noble figure la fantasia, ou tbourida, une démonstration équestre spectaculaire où se mêlent harmonie, feu et puissance. Héritée des pratiques militaires ancestrales, elle incarne aujourd’hui une forme unique de patrimoine vivant, à la croisée du rite, du sport et de l’art.


Origines historiques


La fantasia trouve ses racines dans les pratiques de guerre tribales des peuples berbères et arabes. Longtemps utilisée pour impressionner, célébrer une victoire ou affirmer la puissance d’un groupe, cette discipline a évolué en une expression codifiée de l’identité collective.


Elle était autrefois une préparation au combat, un entraînement à la coordination de groupe et à la maîtrise du cheval dans des contextes hostiles. Aujourd’hui encore, chaque représentation porte la mémoire de ces usages anciens, avec une intensité émotionnelle palpable.


Le cheval Barbe, héros discret


Animal central de la fantasia, le cheval Barbe est parfaitement adapté à cette tradition. Robuste, endurant, agile et intelligent, il est capable de galoper en ligne droite groupée, puis de s’arrêter net sur ordre, sans perdre sang-froid ni équilibre.


Son allure fière et son tempérament volontaire font de lui le partenaire idéal du cavalier de tbourida. Il est paré d’un harnachement richement décoré : tapis brodés, selles ouvragées, brides perlées, souvent dans des tons vifs ou métallisés. Le cheval devient ainsi œuvre d’art autant que monture de guerre.


Le cavalier de tbourida


Plus qu’un simple participant, le cavalier est un héritier de traditions séculaires. Il est souvent choisi dès son plus jeune âge au sein de sa tribu ou de son douar, et formé rigoureusement au maniement du cheval et du fusil.


Sa tenue est codifiée : djellaba blanche ou colorée, turban enroulé à la main, ceinture traditionnelle, et parfois une gandoura brodée. Il porte un long fusil à poudre noire, appelé moukahla, qu’il doit manier avec précision.


L’honneur du groupe dépend de sa capacité à tirer exactement au même moment que les autres cavaliers lors de la charge finale. Tout décalage est perçu comme une faute grave.


Le déroulement d’une fantasia


Une fantasia est un rituel en plusieurs temps, très codifié :


  1. La harka : une dizaine de cavaliers (ou plus) s’alignent côte à côte.
  2. La charge : sur un ordre du chef de troupe (mokaddem), ils s’élancent au galop, parfaitement synchronisés.
  3. La baroud : en fin de course, tous tirent une salve unique de poudre noire dans un fracas spectaculaire.
  4. L’arrêt : les chevaux stoppent net. Le public retient son souffle. L’écho du tir marque la réussite ou l’échec de la manœuvre.


Ce moment intense incarne la maîtrise, la coordination et la transmission d’un savoir-faire martial devenu art populaire.


Une tradition vivante et célébrée


La fantasia est pratiquée dans toutes les régions du Maroc, avec des variantes locales. Elle est au cœur de nombreuses fêtes religieuses ou culturelles appelées moussems, qui rassemblent tribus, familles et visiteurs autour d’une même passion.


Depuis 2021, la tbourida est inscrite à l’inventaire du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO, reconnaissant son importance historique et sociale dans la culture marocaine.


Vie rurale, transmission et fierté tribale


Dans les zones rurales, les chevaux sont souvent élevés exclusivement pour la fantasia. Chaque tribu possède sa propre troupe, transmise de génération en génération. Les cavaliers sont sélectionnés très jeunes, et la participation à une grande fantasia est considérée comme un rite de passage.


La fantasia permet aussi de préserver la race du cheval Barbe, longtemps négligée au profit de races sportives importées.

Aujourd’hui, les éleveurs marocains s’emploient à revaloriser cet héritage génétique local.