LES ÉQUIDÉS DANS LA GESTION DES CATASTROPHES NATURELLES

Gravure académique représentant un cheval de secours mené par un sauveteur, hommage à la contribution des équidés dans les interventions post-catastrophe.
Les catastrophes naturelles, incendies, inondations, séismes ou tempête, bouleversent profondément les écosystèmes et les communautés humaines. Pourtant, un allié souvent sous-estimé se distingue par sa polyvalence et sa capacité d’adaptation : l’équidé. Qu’il s’agisse de chevaux, d’ânes ou de mulets, leur rôle dans la prévention, la réponse et la reconstruction après une catastrophe s’affirme comme un atout précieux, alliant force physique, intelligence et endurance.
Le rôle des équidés dans la phase d’urgence
Des auxiliaires logistiques en terrains difficiles
Dans de nombreuses régions montagneuses, forestières ou enclavées, les moyens motorisés deviennent inutilisables après une catastrophe. Les chevaux et mulets assurent alors le transport de vivres, d’eau, de matériel médical ou de carburant, là où les véhicules ne peuvent plus circuler.
Leur mobilité sur terrain accidenté, leur résistance à la fatigue et leur autonomie énergétique (puisqu’ils n’ont pas besoin de carburant) en font des acteurs essentiels dans les zones sinistrées.
Exemple : lors du séisme au Népal en 2015, des mulets de montagne ont permis d’acheminer plus de 80 % des cargaisons humanitaires vers les villages isolés de la région du Langtang.
Des partenaires pour les équipes de secours
Les unités de secours montées (comme les patrouilles équestres de gendarmerie ou les brigades de recherche à cheval) sont mobilisées pour localiser les victimes ou surveiller les zones à risque. Leur discrétion et leur autonomie sur le terrain permettent de couvrir de vastes zones sans dépendre d’un réseau électrique ou de communication.
Dans certaines zones incendiées, les chevaux sont également utilisés pour repérer les foyers résiduels grâce à leur sens de l’odorat et leur comportement instinctif face au danger.
La contribution des équidés à la résilience environnementale
Prévention des incendies et entretien du paysage
Avant même la catastrophe, les équidés participent à la réduction des risques par leur rôle écologique de débroussaillement naturel. Les chevaux, ânes et mules, lorsqu’ils pâturent dans des zones sensibles, contribuent à entretenir les couverts végétaux, limiter l’accumulation de biomasse et ainsi réduire la propagation potentielle des incendies. Ce pâturage préventif, déjà expérimenté dans le sud de la France, en Espagne ou en Grèce, fait partie intégrante des plans de prévention des feux de forêt (PPFC).
Réhabilitation des sols après sinistre
Après une inondation ou un glissement de terrain, les équidés peuvent être mobilisés pour le transport de matériaux, mais aussi pour réensemencer les zones dévastées. Leur passage régulier aère la terre et favorise la germination des nouvelles pousses, tout en évitant le compactage excessif des sols que provoquent les engins lourds. Les projets de restauration écologique post-catastrophe incluent de plus en plus les équipes de traction animale, qui réintroduisent un travail doux, précis et respectueux de l’environnement.
Les équidés, acteurs de la reconstruction sociale
Un soutien psychologique et symbolique
Après une catastrophe, les équidés jouent un rôle inattendu : celui du réconfort. Dans de nombreux programmes humanitaires, les chevaux sont utilisés dans des activités thérapeutiques pour les enfants et les survivants traumatisés. Leur présence apaise, redonne confiance et permet de reconstruire un lien émotionnel après le choc. Les ONG comme The Brooke ou SPANA ont documenté les effets positifs de l’équithérapie sur les populations sinistrées en Afrique du Nord et en Asie du Sud.
Une ressource économique pour la relance
Dans les zones rurales touchées, les équidés représentent une force de travail immédiate et autonome pour reprendre les activités agricoles. Ils permettent de remettre en culture les terres, réouvrir les chemins, et ravitailler les villages, jouant un rôle clé dans la résilience économique locale. Les programmes de réhabilitation post-catastrophe menés par la FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) incluent souvent la fourniture d’équidés aux familles ayant perdu leurs animaux de trait.
Vers une meilleure intégration des équidés dans les plans de gestion des risques
Reconnaître leur statut d’acteurs de sécurité civile
Malgré leurs multiples usages, les équidés sont rarement mentionnés dans les plans nationaux de gestion des catastrophes. Les experts plaident pour une reconnaissance officielle de leur rôle, avec des protocoles précis pour leur mobilisation, leur protection et leur évacuation lors d’événements extrêmes. En Europe, quelques projets pilotes, comme EquiRescue en Espagne, testent des unités équestres intégrées à la défense civile.
Former et équiper les équipes mixtes
Une gestion efficace passe par la formation conjointe des équipes humaines et animales :
- dressage spécifique des chevaux pour la reconnaissance de terrain post-crise,
- formation des secours à l’approche et la manipulation sécurisée d’équidés,
- constitution de réserves locales d’animaux entraînés à la logistique de crise.
De telles initiatives pourraient permettre d’optimiser la coopération inter-espèces dans les zones sinistrées, tout en assurant la sécurité et le bien-être des animaux eux-mêmes.
Conclusion : un maillon vivant de la résilience territoriale
Les équidés ne sont pas de simples spectateurs des catastrophes naturelles. Ils en sont des acteurs de première ligne, capables d’intervenir à toutes les étapes : prévention, secours, réhabilitation et reconstruction. Dans un monde de plus en plus exposé aux crises climatiques, reconnaître leur valeur stratégique, écologique et humaine est essentielle pour bâtir des territoires plus résilients et solidaires. Réhabiliter le rôle des chevaux, ânes et mulets dans la gestion des catastrophes, c’est redonner toute sa place à une intelligence du vivant au service de la survie collective.
Sources et références
- FAO (Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture) – Livestock in Disasters: Reducing Vulnerability and Building Resilience, Rome, 2023.
- The Brooke – Working Equids and Disaster Risk Reduction: Field Guidance Manual, Londres, 2021.
- SPANA (Society for the Protection of Animals Abroad) – Emergency Response and Animal Welfare in Developing Countries, 2022.