LES CHEVAUX FACE AU CHANGEMENT CLIMATIQUE : ADAPTATION ET GESTION DES RESSOURCES

Chevaux dans un paysage aride sous un ciel orangé, cherchant de l’eau dans une mare asséchée, tandis qu’à l’horizon, des incendies embrasent la plaine.

Les chevaux face aux effets du réchauffement climatique : sécheresse, pénurie d’eau et incendies de plus en plus fréquents.

Le changement climatique est un défi majeur pour de nombreux secteurs, et l’élevage équin n’y échappe pas. Montée des températures, irrégularité des précipitations, événements extrêmes ou émergence de nouveaux pathogènes : tous ces phénomènes imposent aux gestionnaires, aux vétérinaires et aux éleveurs de repenser l’adaptation, la résilience et la gestion des ressources.


Cet article propose une analyse complète et structurée des enjeux climatiques, des mécanismes d’adaptation et des stratégies de gestion durable applicables au monde équin.


I. Enjeux climatiques spécifiques pour les équidés

1. Stress thermique et vagues de chaleur

Avec l’augmentation des températures moyennes et des épisodes de canicule, les chevaux sont exposés à un stress thermique accru. Ils doivent dissiper davantage de chaleur, principalement par la sudation, ce qui accroît les besoins en eau et peut provoquer un déséquilibre hydrique. Pour limiter ce stress, les éleveurs mettent en place des pratiques comme le rafraîchissement régulier, l’accès constant à l’eau, la ventilation naturelle ou assistée et la présence d’abris ombragés. Les effets indirects ne sont pas négligeables : les fumées d’incendie et les poussières atmosphériques irritent les voies respiratoires et fragilisent le système immunitaire des chevaux.


2. Sécheresse, raréfaction de l’eau et qualité des pâturages

Le changement climatique modifie les schémas de précipitation, entraînant des périodes de sécheresse plus longues et plus fréquentes. Cela compromet l’accès à l’eau, mais aussi la qualité des prairies. Les pâturages deviennent moins productifs et perdent en diversité végétale. Les chevaux doivent alors être nourris avec des compléments ou du foin issu de stocks constitués à l’avance. Dans la nature, les chevaux sauvages voient leurs zones d’abreuvement disparaître et leurs parcours migratoires se réduire, ce qui fragilise leurs populations.


3. Érosion des sols et gestion des excréments

Les épisodes de pluies violentes provoquent une érosion accrue des sols dans les pâtures. Les zones piétinées par les chevaux deviennent boueuses, compactées et improductives. Une mauvaise gestion des déjections (fumier, litière) accentue ces problèmes : les ruissellements pollués peuvent contaminer les nappes et les rivières. Une gestion rigoureuse du fumier, notamment par le compostage, permet de stabiliser les nutriments, de limiter les pertes et d’améliorer la structure du sol.


4. Maladies émergentes et parasites

Le réchauffement et les variations d’humidité favorisent la prolifération d’insectes vecteurs (moustiques, tiques) et de parasites. Des maladies autrefois limitées à certaines régions se propagent désormais plus au nord ou en altitude. Cela nécessite une surveillance vétérinaire renforcée, des programmes de vaccination adaptés et une vigilance accrue face aux nouveaux risques sanitaires.


5. Limites physiologiques et diversité génétique

Les chevaux disposent de mécanismes naturels de thermorégulation, mais leurs capacités d’adaptation ont des limites. Certaines races rustiques ou locales présentent une plus grande résistance aux conditions extrêmes grâce à leur diversité génétique. Préserver cette diversité devient un enjeu crucial pour maintenir la résilience globale du patrimoine équin face aux changements climatiques.


II. Stratégies d’adaptation : de la théorie à la pratique

1. Choix de races et de lignées résilientes

L’adaptation peut commencer dès la sélection des animaux. Certaines races sont reconnues pour leur résistance à la chaleur, leur capacité à gérer les carences hydriques ou leur rusticité naturelle. Leur utilisation dans des programmes de reproduction pourrait renforcer la résilience globale des cheptels. À terme, la sélection génétique pourrait intégrer des critères comme la tolérance thermique, la résistance aux pathogènes ou l’efficacité métabolique.


2. Gestion des pâturages et aménagement paysager

a) Silvopastoralisme

L’intégration d’arbres dans les pâturages, appelée silvopastoralisme, permet de créer un microclimat plus stable. L’ombrage réduit la température ressentie, diminue l’évaporation et protège les chevaux du soleil direct. De plus, les arbres améliorent la biodiversité, stabilisent les sols et favorisent la séquestration du carbone.

b) Rotation des parcelles et réserves fourragères

La rotation des pâtures évite le surpâturage, favorise la régénération de la végétation et limite l’érosion. Constituer des réserves fourragères (foin, ensilage) permet de pallier les baisses de production dues aux sécheresses ou aux gelées tardives.

c) Compostage et fertilisation raisonnée

Le compostage des déjections équines stabilise les éléments nutritifs, enrichit le sol et améliore sa rétention d’eau. Une fertilisation raisonnée préserve la qualité de l’eau et réduit le risque de pollution par les nitrates.


3. Gestion de l’eau et abreuvement

Assurer un abreuvoir propre, ombragé et toujours rempli est la base de l’adaptation hydrique. Dans les zones arides, on peut recourir à la récupération des eaux pluviales ou à des systèmes d’alimentation automatique pour éviter le gaspillage. Le contrôle régulier de la qualité de l’eau (température, contamination) est aussi indispensable pour prévenir les maladies hydriques.


4. Infrastructures adaptées au climat

Les écuries doivent être repensées pour offrir une bonne aération, des zones d’ombre et des matériaux isolants. L’orientation des bâtiments, la présence de brise-vent, et l’utilisation de toitures réfléchissantes permettent de maintenir un confort thermique optimal. Des abris légers, ouverts sur plusieurs côtés, sont préférables dans les zones chaudes et sèches.


5. Surveillance sanitaire et prévention

L’adaptation passe aussi par la formation du personnel et la surveillance continue de la santé des chevaux. Les signes de stress thermique (transpiration excessive, apathie, respiration rapide) doivent être détectés tôt. La prophylaxie antiparasitaire et les protocoles de vaccination doivent évoluer avec la situation climatique locale.


6. Approche écosystémique

L’adaptation fondée sur les écosystèmes vise à renforcer la résilience naturelle des milieux. Restaurer les zones humides, préserver la biodiversité et maintenir la continuité écologique favorisent un équilibre durable entre élevage, environnement et climat.


III. Gestion durable des ressources

1. Optimisation hydrique

L’irrigation raisonnée et les systèmes de récupération d’eau de pluie permettent de réduire la dépendance aux ressources extérieures. L’usage de capteurs d’humidité et la programmation des arrosages selon les besoins réels diminuent la consommation d’eau sans compromettre la productivité des pâtures. Une gestion collective ou territoriale des ressources hydriques assure un équilibre entre usages agricoles, environnementaux et domestiques.


2. Protection des eaux et qualité environnementale

La gestion du fumier et des effluents est primordiale pour éviter la pollution des cours d’eau. Le stockage couvert, les zones tampons végétalisées et l’épandage contrôlé sont des mesures simples mais efficaces. Ces pratiques participent à la préservation de la qualité des eaux souterraines et de surface.


3. Diversification et résilience alimentaire

La diversification des espèces fourragères (graminées, légumineuses, plantes résistantes à la sécheresse) améliore la stabilité des pâtures. Des sources d’eau multiples (mares, puits, citernes) garantissent la continuité d’approvisionnement. Prévoir des plans de contingence permet de faire face aux crises climatiques majeures, qu’il s’agisse de sécheresses ou d’inondations.


IV. Études de cas et perspectives

1. Chevaux sauvages et fragilité écologique

Les chevaux sauvages sont parmi les premiers touchés par le manque d’eau et la dégradation des pâturages. Leur survie dépend de la préservation des corridors écologiques et des points d’eau naturels. Les programmes de conservation doivent intégrer ces paramètres pour éviter les déséquilibres démographiques et génétiques.


2. Recherche et innovations

Les études scientifiques se multiplient pour comprendre les limites physiologiques du cheval face au stress climatique. Les projets de recherche visent à identifier les seuils de tolérance thermique, les effets des parasites émergents, et à quantifier les impacts économiques de ces transformations. La sélection génétique raisonnée et la gestion durable des prairies figurent parmi les leviers les plus prometteurs.


3. Leçons du passé

Les archives paléoclimatiques montrent que les migrations anciennes des chevaux étaient déjà liées aux fluctuations du climat. Cette histoire évolutive illustre la capacité d’adaptation de l’espèce, mais aussi ses limites lorsque les changements deviennent trop rapides. L’observation de ces phénomènes anciens éclaire les stratégies d’adaptation modernes fondées sur la mobilité, la diversité et la résilience.


Conclusion

Le changement climatique impose de profonds ajustements dans la manière dont nous élevons, nourrissons et protégeons les chevaux. Il ne s’agit plus seulement d’adapter nos pratiques, mais de repenser une vision systémique et durable de l’élevage équin.En intégrant la résilience écologique, la diversité génétique, la gestion hydrique raisonnée et la prévention sanitaire, le monde du cheval peut devenir un modèle d’équilibre entre performance, bien-être animal et respect de l’environnement.Le futur de l’équitation et de l’élevage dépendra de notre capacité à anticiper, innover et coopérer face à un climat qui change déjà.