À L’AUBE DE L’ART : CHEVAUX PRÉHISTORIQUES ET MYSTÈRES DES GROTTES

 Peintures rupestres de chevaux préhistoriques dans une grotte ornée, avec détails de robes et symboles en ocre et charbon.

Chevaux préhistoriques représentés dans une grotte ornée, probablement Lascaux ou Pech Merle. Une main négative accompagne les figures équines.

Source : https://chevauxdumonde.com/fr/article/a-l-aube-de-l-art-chevaux-prehistoriques-et-mysteres-des-grottes

Lorsque l’on pénètre dans les profondeurs des grottes ornées de la préhistoire, un monde fascinant nous est révélé : celui des chevaux peints, gravés, symbolisés, bien avant l’écriture ou la domestication. De Lascaux à Pech Merle, en passant par Altamira, le cheval surgit des parois rocheuses comme une figure majeure, mystérieuse, presque sacrée.


Une présence dominante


Parmi les centaines de représentations animales découvertes dans les grottes paléolithiques, le cheval est l’un des sujets les plus fréquents. À Lascaux, il constitue environ 60 % des figures animales recensées. À Altamira (Espagne) comme à Pech Merle (France), il trône avec force parmi les bisons, aurochs, cervidés.


Pourquoi une telle prédominance ?

À l’époque (environ -20 000 à -12 000 ans), le cheval n’est ni domestiqué, ni monté. Il est chassé pour sa viande, mais semble aussi entouré d’une signification plus profonde, non utilitaire. Il est représenté en mouvement, souvent seul ou dans des scènes dynamiques, parfois accompagné de signes énigmatiques (points, traits, mains négatives...).


Esthétique et maîtrise


Les artistes préhistoriques faisaient preuve d’une maîtrise exceptionnelle du trait, du volume et du mouvement. Les chevaux de Lascaux, avec leurs silhouettes nerveuses et leurs encolures arquées, montrent une observation attentive et respectueuse de l’animal. Les jeux de couleurs (ocres, noirs, bruns), les rehauts d’ombres, les reliefs naturels des parois utilisés pour accentuer les formes donnent à ces œuvres une qualité artistique saisissante.

Le cheval préhistorique devient modèle d’élégance, de puissance, et de liberté.


Une dimension symbolique ?


La fonction de ces œuvres reste sujette à interprétation. Les hypothèses abondent :

- Rituels magiques de chasse

- Croyances totémiques ou chamaniques

- Représentations mythologiques d’un monde invisible


Certains chercheurs suggèrent que les chevaux pouvaient être des esprits protecteurs, ou des intermédiaires entre les hommes et les forces de la nature. Leur multiplication dans les grottes serait liée à des rites initiatiques ou à une cosmologie perdue.

La grotte devient alors sanctuaire, et le cheval, figure sacrée ou messager, peinte dans l’obscurité à la lumière tremblante des torches, dans un acte profondément spirituel.


Les chevaux de Pech Merle : un exemple marquant


À Pech Merle, dans le Lot, deux chevaux noirs tachetés de points (datés de 25 000 ans) fascinent encore aujourd’hui. Certains y ont vu une possible représentation de chevaux à robe tachetée, semblables à l’Appaloosa actuel, hypothèse appuyée par des études génétiques. D'autres y lisent une dimension symbolique, une volonté d'exprimer l'invisible ou un monde onirique.

Ces figures sont accompagnées de mains humaines, ce qui renforce l’idée d’un lien intime entre l’humain et le cheval, dès la préhistoire.


Héritage millénaire


Bien que le cheval n’ait été domestiqué que plusieurs millénaires plus tard (vers -3500 en Asie centrale), sa présence forte dans l’art rupestre montre qu’il occupait déjà une place spéciale dans l’imaginaire humain. Il n’était pas simplement gibier, mais symbole, énigme, miroir peut-être.

Les grottes ornées, en figeant ces silhouettes depuis plus de 20 000 ans, témoignent de notre fascination ancestrale pour cet animal libre et puissant.


Sources :

- Leroi-Gourhan, Le Geste et la Parole

- Jean Clottes, La Grotte Chauvet, l’art des origines

- Études génétiques sur les chevaux de Pech Merle (Pruvost et al., 2011)